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acqua 2

Extrait :

Hier, personne n’est mort. La journée a été belle. Bien sûr il y a eu des râles et quelques cris. Mais personne n’est mort. C’est un petit miracle. Les hommes ont bu leur demi-litre. Ils ont écrit, chiqué, chanté et même compté les rats. Petit-Georges est très fort à ce jeu. Tapi au fond de la tranchée, il attend immobile. Ce sont eux qui finissent par venir à lui puis il les tue. C’est sa guerre. La guerre contre les rats. Les jours sans combats, pendant que les autres travaillent, il passe des heures, couché au fond d’un trou pour les chasser. Second et Le Dall le laissent faire. Massoni le maudit. Ces quatre-là ne se quittent plus depuis le coup de main mené ensemble un soir de janvier. Ils avaient été désignés par le chef de poste. « Les trois Corses et le Breton» avait meuglé le gradé. Il s’agissait de parcourir les quelques centaines de mètres séparant leur tranchée de la tranchée ennemie, s’y introduire, surprendre les boches et ramener un prisonnier. Il fallait faire vite, une demi-heure, jamais plus.

Cette nuit-là fut glaciale. Massoni passa le premier. A mi-chemin, Petit-Georges abandonna le groupe et disparut dans un cratère. Il avait très vite compris que la lâcheté serait sa meilleure alliée dans cet enfer terrestre. Ceux qui levaient la tête mouraient. Lui baisserait la sienne autant qu’il le faudrait, s’enterrerait vivant si nécessaire et laisserait aux autres le soin d’être héroïques.

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