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Lorsque j’ai lu Prighjuneri il y a vingt-cinq ans, bouleversé par ce que je découvrais, j’ai immédiatement pensé, je m’en souviens bien – va savoir pourquoi, à Henry Miller quand il évoqua de manière sensationnelle son roman, Tropique du Cancer : « Ce n’est pas un livre au sens ordinaire du mot. Non ! C’est une insulte démesurée, un crachat à la face de l’Art, un coup de pied dans le cul à Dieu, à l’Homme, au Destin, au Temps, à la Beauté, à l’Amour… à ce que vous voudrez. » Le vertige dissipé, j’ai vite compris que Prighjuneri n’était évidemment pas de la diffamation, certainement pas de la calomnie. Ton premier recueil de nouvelles, Marc, c’est un choc impressionnant ! Une gifle extraordinaire ! Pocu schjaffu ! Tu pourrais gentiment me reprocher le mauvais jeu de mot, je ne te dirai donc pas que Prughjuneri fut pour moi une libération. Un affranchissement, alors ? Incontestablement. Un nouveau virage pour la littérature insulaire, une trajectoire insolite, un auteur que personne n’avait vu débouler. Le deuxième et le troisième recueil, respectivement San Ghjuvanni in Patmos et Stremu miridianu, ne faisaient que confirmer ton incroyable talent d’écrivain…

Les quatorze nouvelles que tu as aujourd’hui réunies en un seul volume, Prighjuneri è altri nuvelli, ont été, tu l’as précisé dans l’avant-propos de ton livre, régénérées, retravaillées et bonifiées, débarrassées de ce qu’il pouvait y avoir d’encombrant stylistiquement parlant, sans qu’il y ait jamais eu de ta part la moindre intention d’effacer, de renier et encore moins de trahir ce qui constituait déjà la substance originelle de tes futurs grands romans. Quelle émotion j’ai eu en lisant ces nouvelles ! Et j’insiste bien : en lisant. Car il ne s’est pas agi de relecture suite à un simple dépoussiérage. Une émotion et un plaisir qui répondent et correspondent au spectaculaire choc esthétique et littéraire ressenti il y a un quart de siècle. En se plongeant dans Stremu miridianu, road-movie étrange et fascinant ou dans Ghjubileu, farce aussi grotesque que jubilatoire, les nouvelles qui se situent en Corse sont toujours aussi évocatrices d’une vision sans concessions que tu as de notre île. Mais en écrivain complet, tu sais aussi décrire à merveille l’enfance, avec toute ta tendresse et tellement de poésie, comme dans U portafogliu. Celles qui se situent ailleurs et à une autre époque sont… épiques.

Récemment, je t’ai envoyé un message pour t’annoncer que je venais de terminer la lecture de Prighjuneri è altri nuvelli et que j’étais, comme il y a longtemps, saisi aux tripes par la puissance folle de tes créations. Je souhaitais ainsi, pudiquement, te témoigner tout le respect que j’ai pour toi et pour ton travail, parce que, si je suis devenu romancier à mon tour, c’est aussi en partie à cause de toi (rires !!) … Et pour te dire avec pudeur mon admiration, comme il y a longtemps, je t’ai avoué également qu’avait rejailli en moi cette toute légère et imperceptible pointe de jalousie, parce que L’animalu, Plaça del Pi, Stremu miridianu et – à titre personnel, la plus belle de toute, San Ghjuvanni in Patmos, ces nouvelles, Marc, comme j’aurais aimé les écrire… ALTISSIMU BIANCARELLI.

Pierre-Joseph Ferrali

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